Du 29 janvier au 12 février 2018, nous présenterons notre projet à la session annuelle de formation du Ceras, Centre de Recherche et d’Action Sociales, éditeur de la revue Projet. Cette session, intitulée « Heureux les sobres ! Vivre l’espérance de Laudato Si » propose de questionner les enjeux environnementaux et la transition écologique à la lumière de l’encyclique du Pape François, parue en 2015 peu avant la Cop 21, intitulé justement Laudato Si, Sur la sauvegarde de la maison commune. L’occasion pour nous de revenir sur ce texte majeur, proposant une notion essentielle : « l’écologie intégrale ».
Plusieurs lignes de force structurent cet ouvrage. La première d’entre elles est la mise en évidence de ce que François appelle la « culture du déchet ». Cette culture est le marqueur de la relation à la nature et à autrui qu’entretient l’homme contemporain. Et de fait, transformer les choses et les hommes en ordures forme une seule et même chose. C’est là une deuxième idée force du texte : l’exploitation de l’homme et de la nature par l’homme reviennent au même. Ainsi la dégradation environnementale est intrinsèquement liée à l’accroissement des inégalités, et la question de la transition écologique est une question sociale autant qu’environnementale.
Le Pape parle dans Laudato Si d’un « évangile de la création », c’est-à-dire de la nature comme bonne nouvelle pour ceux qui y vivent. Il y oppose le paradigme technocratique qui est le signe d’une puissance d’agir considérable, qui est sans rapport avec les objectifs, nécessairement égoïstes, poursuivis par l’homme : hypertrophie des moyens, atrophie des fins, car fondées sur une éthique et une conscience trop superficielle. C’est là qu’intervient l’écologie intégrale, comme principe humain capable de refonder l’agir de l’homme. Car l’enjeu est bien celui d’une conversion, de nature quasi spirituelle. Cette écologie intégrale interroge la relation de l’homme à la nature : l’homme est un être vivant dans la nature. Il n’a pas face à lui une nature inerte dont il dispose, mais est immergé dans une nature vivante qu’il partage. Dès lors, il importe de fonder une approche écologique d’une amélioration de l’ensemble des dimensions de la vie humaine, par le respect de la dignité de toute chose et de tout être. Socialement, cela prendra la forme d’une réaffirmation du bien commun comme principe directeur de l’action politique, bien commun à tous, dans l’espace et dans le temps, entre les générations.
En matière d’économie, cela signifie un affranchissement du politique par rapport à l’économique, et une libération de l’économique par rapport au technocratique. Ainsi peut renaître une économie qui sort de l’accélération continue des flux, de l’innovation, ou du rythme de vie des populations. Cela ne veut pas dire renoncer au progrès, mais ralentir pour orienter différemment la créativité de l’homme, au service d’un développement humain complet. L’innovation ne devra donc plus être mise au service d’une consommation frénétique, mais de la résolution des vrais enjeux auxquels l’humanité a à faire face. C’est à cette condition que l’exploitation « vorace » des ressources par les uns pourra ralentir, et que la qualité de vie dégradée des autres pourra s’améliorer. Laudato Si vient à coup sûr interroger avec force nos logiques d’action entrepreneuriale.
Emmanuel Paul de Kèpos