Pour un territoire, la transition écologique ne peut pas juste donner lieu à des ajustements paramètriques des politiques publiques. Au contraire, une redéfinition systémique de ces mêmes politiques est indispensable. Cela implique un renouvellement radical des termes du débat. Les questions à poser pourraient être les suivantes :
- Quelle politique de mobilité doit être mise en place à l’heure de la descente énergétique ?
- Quelle politique d’aménagement sont souhaitables dans un contexte d’effondrement de la biodiversité ?
- Quelle politique foncière définir alors que les sols sont en train de s’épuiser à vitesse accélérée ?
- Quelle politique d’habitat promouvoir alors que les scenarii de transition énergétique impliquent une diminution de 50% de la demande d’énergie ?
- Quel développement économique mettre en œuvre, alors que la limitation du réchauffement climatique vient radicalement interroger les logiques de développement qui ont prévalu ces 200 dernières années ?
- Comment refaire de la politique ensemble à l’échelle d’un territoire alors que les choix qui doivent être faits sont les plus engageants que l’humanité ait jamais été mise en demeure de faire ?
On le voit, les enjeux sont majeurs et les risques de perte de cohésion sociale ou économique sont très importants pour un territoire. Il est donc essentiel de sortir de la gestion “as usual” et d’enrichir le questionnement politique. Or, la transition écologique concerne l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre sur un territoire. En ce sens, elle ne relève pas d’un enfermement sectoriel, mais est éminemment transversale. Elle met en premier la notion de cohérence : ne pas effacer les gains réalisés quelque part à travers d’autres décisions connexes.
Dès lors, quelle pourraient être les méthodologies à mettre en œuvre pour faire de la transition écologique le projet majeur et structurant d’un territoire ? En première approche, on pourrait imaginer le process suivant :
- La mise en perspective des tendances à l’œuvre, internes ou externes, sur le territoire : ce travail prospectif doit aller au-delà du simple diagnostic de territoire. Il en modifie les enjeux en resituant la trajectoire territoriale dans un contexte systémique bien plus vaste (énergétique, écologique, économique, social, géopolitique…).
- La définition du projet de territoire : la transition écologique est d’abord un projet de territoire qui nécessite un partage des enjeux systémiques qui se posent à toute communauté humaine, une mise en récit d’un futur désirable dans un contexte en plein bouleversement, et la définition d’objectifs partagés à la fois très ambitieux, réalistes et rassembleurs. C’est là où s’incarne la volonté politique qui impulse une démarche de transition.
- La mise en route démocratique de la transition écologique. Celle-ci implique, pour un territoire et ses acteurs, de savoir refaire société pour décider ensemble d’une transformation complète et globale. En ce sens, la simple consultation des citoyens est insuffisante : il importe de mettre en œuvre une véritable démocratie de construction et de contribution. Il s’agit certes là d’un processus au long cours, mais indispensable pour que la transition soit véritablement inclusive.
- L’élaboration des politiques sectorielles (urbanisme, développement économique, habitat, mobilité, cohésion sociale…). Les principes de la transition doivent irriguer l’ensemble de ces décisions. Ces politiques doivent pouvoir faire système, en gagnant en cohérence, et relever d’une véritable ambition transformatrice, et pas seulement de simple choix gestionnaires.
Sur tous ces aspects, la démarche consisterait à faire dialoguer les spécificités territoriales avec les grands enjeux systémiques. L’objectif est que chaque territoire puisse s’adapter à des conditions de vie en changement rapide et proposer à ses habitants et forces vives un cadre humain et soutenable à la construction duquel ils puissent contribuer. Car quelque part, il s’agit de tout changer totalement !
Emmanuel Paul de Kèpos