Envie est un réseau d’entreprises d’insertion implantées un peu partout sur le territoire français, qui se propose de recycler les appareils électroménager. Nous avons eu la chance d’en visiter récemment une des implantations en Lorraine, Envie 2E. L’activité consiste à récupérer ces déchets nommés DEEE (Déchets d’Équipement Électrique et Électronique) en déchetterie, qu’il s’agisse d’écrans d’ordinateurs et téléviseurs, gros électroménager hors froid, gros électroménager froid. Ce sont ainsi 15000 tonnes qui sont traitées annuellement sur le territoire lorrain. La visite de la plate-forme logistique où sont triés ces appareils laisse une impression saisissante, devant l’importance du flux traité. Le petit électroménager est déversé dans des bennes comme le serait n’importe quel matériau, et l’appareil qui semble être un investissement pour le consommateur apparaît en fin de vie comme un simple consommable.
Plusieurs éléments font la singularité de l’activité d’Envie. Tout d’abord, une partie des appareils est sortie du circuit de traitement usuel pour être réparée et vendue dans des boutiques dédiés. Cette activité est connue du grand public, mais il n’en reste pas moins qu’elle ne capte qu’une part très minoritaire du flux. Deuxièmement, Envie est une entreprise d’insertion, financée partiellement par l’État à cette fin : elle emploie sur des durées de maximum deux ans des personnes faisant face à des difficultés d’insertion professionnelle. Elle les forme, travaille avec elles sur leur projet, et les accompagne vers un emploi durable dans les entreprises industrielles du bassin. Enfin, dernier élément intéressant : comme n’importe quelle entreprise, Envie fait des gains de productivité afin de soutenir la compétition économique. Afin de maintenir le volume d’emploi, ce qui fait partie de son cahier des charges, elle affecte ces gains au lancement de nouvelles activités, comme par exemple le recyclage de matelas, ou de matériel médical.
Sur l’ensemble des types de déchets concernés, les filières sont en place. Il y a cependant loin de cette situation à l’idéal d’économie circulaire, qui ferait que nos déchets seraient nos ressources. D’abord parce que des composants de ces déchets sont toxiques : il y a donc un enjeu de dépollution et d’élimination maîtrisée de ces éléments. Ensuite, parce qu’on détruit en grande partie ces matériels pour les valoriser sous la forme de poudre : de plastique, de matériaux métalliques ferreux ou non ferreux. Enfin, parce que le réemploi tel quel des appareils après mise à jour n’est que très partiel. Les pertes en ligne sont donc considérables. Et in fine, l’étape qui paraît cruciale dans la gestion des déchets, c’est la phase de conception des produits. Leur conception va conditionner leur usage et leur fin de vie, en mettant au cœur de la valeur créée leur maintenance et leur réparabilité. Le consommateur est le maillon intermédiaire : son rapport à l’objet, son comportement au moment de l’achat ou sa volonté de privilégier durabilité ou performance vont réduire ou amplifier le flux sortant de déchets. La problématique est donc complexe. Elle appelle des changements de modes de vie dont on sait qu’ils sont les plus difficile à obtenir, à l’heure où l’usage ou la propriété d’objets constituent la manière la plus répandue d’être au monde.
Emmanuel Paul de Kèpos