En matière de déplacements, il n’y a pas plus écologique que la marche à pied et le vélo ! On aura faire toute la R&D que l’on veut sur les voitures autonomes, les métros automatiques ou les avions électriques, ceux-ci sont par essence consommateurs de ressources considérables, que ce soit pour les concevoir, les fabriquer, ou les faire fonctionner. En outre, y avoir recours peut avoir un impact carbone moins favorable qu’en utilisant leurs homologues fonctionnant aux énergies fossiles. Bref, l’énergie motrice du futur, dans un contexte d’épuisement des ressources et de limitation de nos impacts, c’est l’énergie motrice de nos muscles !
C’est là que l’initiative de l’Atelier Dynamo prend tout son sens. Cet atelier, installé à Nancy depuis plus de 10 ans, propose à tout un chacun de venir y réparer et entretenir son vélo, pour un coût dérisoire et dans une ambiance conviviale. Dynamo fonctionne en tant qu’association, comptant plus de 1400 membres, et s’appuyant sur le travail bénévole de certains d’entre eux, plus quelques permanents. Les adhérents ont accès à un atelier de mécanique en Vieille Ville, où ils bénéficient des outils nécessaires et de conseils avisés pour réparer leur vélo de manière autonome. En outre, Dynamo organisent plusieurs collectes dans l’année, qui lui permettent de récupérer jusqu’à 1000 vélos. Une majorité est révisée pour être revendue à un prix abordable (moins de 50 euros), et ceux restant sont désossés : les pièces détachés sont mises à la disposition des adhérents et servent à réparer d’autres vélos.
Cet atelier, dont nous sommes membres à titre individuel, nous paraît emblématique de ce qu’est un projet de transition écologique réussi. Tout d’abord, il naît d’une prise en charge des besoins par les acteurs de terrain eux-mêmes, selon une logique bottom-up. Dans le même esprit, ce sont les adhérents qui réparent leur vélo : il ne s’agit pas pour eux de faire faire les réparations par d’autres. Il y a donc un transfert de savoir-faire, dans une logique d’éducation populaire et de montée en compétences de chacun, loin des logiques consuméristes qui poussent chacun à ne plus rien savoir faire de concret. Enfin, le concept clé de l’atelier est le réemploi, et non pas le recyclage. En effet, ce dernier intervient alors que le produit est hors d’usage : on n’en récupère alors même pas les pièces, mais les matériaux, qui généralement sont broyés pour être retransformés, mais le plus souvent avec une perte de qualité importante. Au contraire, à l’Atelier Dynamo, on intervient en repoussant la fin de vie du produit, en permettant de recréer de la valeur d’usage : au lieu d’être mis au rebut, les vieux vélos sont remis à jour et pourront servir potentiellement indéfiniment. En effet, comme le souligne Philippe Bihouix dans L’âge des Low Tech, le vélo est un objet qui ne se périme quasiment pas, à l’opposé de la plupart des objets aujourd’hui, à l’obsolescence très rapide. Le réemploi est donc particulièrement pertinent et efficace dans son cas.
Pour conclure, ce type de projet est aussi emblématique d’une forme de résilience particulièrement à propos. En effet, les politiques publiques en matière de mobilité douce ont tendance à très vite mettre en place des projets complexes technologiquement et lourd logistiquement. Ainsi en est-il des vélos en libre-service, au prix exhorbitant et à l’efficacité douteuse : un tel vélo, connecté de partout, coûte à l’achat plusieurs milliers d’euros et suppose une ingénierie de service complexe et centralisée. Les déboires du nouveau Vélib’ parisien sont là pour le montrer. Or, on compte en France plus de 30 millions de vélos dans les foyers. Ils sont donc disponibles : il suffit de les remettre sur la route. C’est ce que propose l’Atelier Dynamo, avec une structure souple, peu onéreuse, non technologique et s’appuyant sur l’initiative des citoyens. A coup sûr un exemple à suivre dans d’autres domaines !
Emmanuel Paul de Kèpos